Un antioxydant dangereux pour la santé
De rares vignerons bravent la loi leur interdisant de mentionner sur leurs étiquettes que leur vin ne contient pas de SO2 ou n’est pas chaptalisé. Le consommateur gagnerait pourtant à savoir ce qu’il boit exactement.
L'utilisation systématique de l’anhydride sulfureux (SO2) dans le vin date de la création du vignoble d'Afrique du Nord par les Français.
La transformation du sucre du raisin en alcool par les levures produit de la chaleur. Au-delà de 40 degrés, les levures ne travaillent plus et peuvent mourir en laissant la place aux bactéries qui, elles, fabriquent non plus de l'alcool, mais des acides lactiques ou acétiques.
En Afrique du Nord, toutes les conditions étaient remplies pour que cette température de 40 degrés soit atteinte : chaleur au moment des vendanges, beaucoup de sucre dans les raisins, grandes caves (gros domaines), cuves en béton serrées les unes contre les autres, donc ne dispersant pas bien la chaleur.
Les vignerons et les premiers œnologues utilisaient des systèmes de réfrigération qui étaient souvent insuffisants, il fallait donc trouver autre chose… Ils ont constaté, sans doute par hasard, que si l'on met de grosses quantités de SO2 dans la vendange avant la fermentation, les levures sont beaucoup moins actives et les bactéries inactives - donc si les levures travaillent moins vite, la production de chaleur est plus étalée dans le temps et, par évaporation naturelle ou par réfrigération, être maîtrisée. La conservation dans ces pays chauds et le transport vers la France ont rendu le SO2 indispensable pour les vins. L'œnologie corrective était née et a traversé la mer avec le vin.
Le SO2 est introduit dans le vin sous plusieurs formes :
- soit directement avec un siphon doseur à partir de gaz pur liquéfié sous pression,
- soit à partir de solutions obtenues avec ce même gaz en le faisant détendre dans de l'eau - (la concentration ne dépasse pas 5 % ,au-delà il y a exportation du gaz dans l'air),
- soit à partir de métabisulfites alcalins en poudre ou en solutions concentrées généralement à 8 %, voire 16 %,
- soit par combustion du soufre dans le récipient qui va contenir le vin. Cette méthode, peu utilisée aujourd'hui, car très imprécise quant à la quantité de SO2 obtenue, était généralisée pour assainir les futailles en bois. En effet lorsqu'on vide un fût de 220 litres, par exemple, il reste environ 6 litres de vin imprégnés dans le bois qui, si on ne le "neutralise" pas, se pique. Même si on rince bien les fûts à l'eau, des moisissures indésirables peuvent se développer. Aujourd'hui, il existe des appareils à vapeur qui permettent d'éviter ces inconvénients sans utiliser la neutralisation au gaz sulfureux.
Partie libre - partie combinée
Le devenir du SO2 dans le vin est assez complexe : il ne s'en évapore que très peu. En fait, une grande partie se combine avec les sucres, les matières colorantes, les vitamines (dont la B1 qu'il détruit), des acides comme l'acide pyruvique et l'acide cétoglutarique, et avec l'acétaldéhyde. Cette dernière combinaison est remarquable car les levures fabriquent de l'acétaldéhyde pour se protéger –justement- du SO2…
Or, seule la partie non combinée du SO2 est considérée comme antiseptique ou anti-oxydante. Donc il faudra rajouter des quantités très importantes de SO2 avant fermentation pour en obtenir une partie (dite « libre ») non combinée avec l’acétaldéhyde… Le SO2 dit "libre", c'est l'acide sulfureux HSO3 (instable) pouvant donner de l'acide sulfurique H2SO4, des sulfates et du SO2 actif.
Les "bons" vinificateurs utilisant le SO2 sont reconnaissables, car dans leurs vins la partie du SO2 combinée ne dépasse pas le double de la partie libre.
Il est admis en œnologie qu'une dose de 15 mg / 1 de SO2 libre est efficace pour « protéger » le vin. Ce qui nous donne 30 mg / 1 de SO2 combiné, soit 45 mg / 1 de SO2 total (parties libre + combinée). Voilà la quantité qui logiquement ne devrait pas être dépassée dans les vins secs (qui ont moins de 5 g de sucre par litre).
Ce chiffre est a comparer avec le tableau ci-dessous où sont rappelées les doses autorisées légalement, celles proposées par la FNIVB (Fédération nationale des vins biologiques) et celles du cahier des charges de Nature et Progrès.
Réglementation concernant le SO2 pour le vin
Norme maximale du SO2 total en mg / 1
Remarque : en agriculture biologique, il n'existe pas de cahier des charges officiel, les bio peuvent donc :
- soit se caler aux normes officielles légales,
- soit suivre les propositions de la FNIVB,
- soit, s'ils sont adhérents à Nature et Progrès, respecter son cahier des charges en œnologie qui est contrôlé par un organisme certificateur par contrat.
Normes proposées par la FNIVB
80 + 20 par année de vieillissement
200 + 10 par année de vieillissement
Doses maximales ne veut pas dire, heureusement, que tous les vins ont ces quantités. Mais, comme rien n’est indiqué sur les étiquettes, le consommateur ne peut rien savoir.
Que faire ? faire pression pour que la quantité de SO2 présente à l'embouteillage soit indiquée. Vous pouvez remarquer que Nature et Progrès, plus restrictif que les autres, pourrait sans crainte faire baisser les doses maximales à 45 mg / 1 pour les rouges et les autres en proportion, ce qui serait un premier pas vers le zéro SO2.
Pourquoi les vins rouges contiennent moins de SO2 que les autres ?
Au cours de la fermentation, le vin s'enrichit en divers éléments libérés des matières solides dont les polyphénols (flavonoïdes, tannins, etc.) qui sont capables de fixer l'oxygène dissous dans le vin ou qui y entre en cours d'élevage (lors par exemple du soutirage) et donc d'éviter l'oxydation.
Les rosés et blancs qui fermentent sans la peau, pépins et rafles, (qui contiennent les polyphénols), sont donc plus oxydatifs.
Les vins qui contiennent des sucres qui, on l'a vu, combinent le SO2, nécessitent des quantités très importantes de SO2 total pour avoir un peu de SO2 libre.
Solutions alternatives si on ne veut pas sulfiter
1. Avoir des raisins bio équilibrés (par exemple la potasse épandue en excès dans les vignes va donner, certes, un raisin plus sucré, donc plus d'alcool, mais la potasse risque se retrouver en excès dans les vins).
Cette potasse va réagir avec l'acide tartrique naturel du vin pour donner un tartrate acide de potassium qui précipite en cristaux (que le consommateur confond souvent avec du sucre au fond des bouteilles). Or l'acide tartrique est le seul acide "fort" du vin qui maintient le pH du vin autour de 3,30 - 3,40. Ce pH est facteur de conservation car des pH plus élevés (3,80 à 4) conviennent bien aux bactéries.
2. Avoir des raisins sains sans pourriture, pour cela il faut bien "soigner" ses vignes (éviter les maladies comme le mildiou ou l’oïdium, et ne pas utiliser trop d'azote) et en cas d'année très pluvieuse, trier les raisins.
3. Observer des temps d'attente les plus courts possible entre la cueillette du raisin et la mise en cuve, moins pour éviter l'oxydation que des mauvais départs en fermentation.
4. Une hygiène de la vaisselle vinaire irréprochable.
5. Ne pas craindre l'oxydation avant fermentation, sauf pour certains arômes typiques de certains blancs qu'il vaudra mieux ramasser à la main.
Tout ce qui est oxydé avant fermentation, et éliminé avec les bourbes (boues décantées issues de la fermentation), ne s'oxyde pas ensuite.
Les lies fines sont avides d'oxygène et sont de bien meilleures anti-oxydantes que le SO2. Par ailleurs, le gaz carbonique (CO2) est un bon protecteur mécanique contre l'oxydation (procédé de conservation au gaz carbonique).
6. Le contrôle des températures permet de contenir les bactéries.
7. En cas de problème majeur, il existe des moyens physiques comme la flash-pasteurisation et ou la filtration stérilisante.
Il reste au consommateur à adopter la même attitude vis-à-vis d'un vin sans conservateur par rapport à un vin sulfité, qu'il peut avoir avec un lait frais par rapport à un lait UHT. Les vins sans SO2 sont plus riches au nez en éthanal, qui normalement est combiné avec le SO2, cela donne une petite odeur de pomme ou de cidre. L'évolution des arômes n'étant pas bloquée, les vins vieux sans SO2 perdent les arômes très volatils du début de fermentation pour en acquérir d'autres - un vin ne sera pas le même en décembre qu'en mai.
Dernière remarque, sur le cahier des charges bio de Nature et Progrès : il est recommandé de ne pas utiliser le SO2, mais l'autorise sous la pression de ses viticulteurs adhérents, avec des doses plus basses et avec une disposition contraignante sur la forme pour un plus grand respect du consommateur. Seul le SO2 pur est autorisé par Nature et Progrès - directement sous forme gazeuse, ou en solution à moins de 5 %. Tous les métabisulfites alcalins sont interdits dans leur cahier des charges (pour mémoire, le métabisulfite de potassium, interdit pour l'alimentation animale, est autorisé en vinification, y compris donc pour les bio non-adhérents de Nature et Progrès).
Suite à l'utilisation généralisée du SO2 suivant l'influence grandissante de l'école d'œnologie nord-africaine, certains chercheurs ont entrepris des études : en 1907, Wiley observe chez de jeunes gens, après absorption de 78 à 400 mg d'acide sulfureux pendant 20 jours, des migraines, étourdissements, faiblesses, albuminurie, anémie. Il conclut à la proscription absolue de l'acide sulfureux (HSO3), une combinaison instable d’eau et de SO2.
Il faut croire en la puissance du groupe de pression qui soutenait cette école nord-africaine d'œnologie car, en réaction à ces conclusions, une commission scientifique, sous l'égide des professeurs Gayon, Gautrelier et Carles, fournit des résultats tout à fait opposés. Faisant absorber à des chiens et des sujets 10 mg d'acide sulfureux par kilo pendant 24 jours (soit l'équivalent d'un vin contenant 400 mg de SO2 dont 100 de libre) ceux-ci ne manifestant aucun trouble, il fut conclu que "l'acide sulfureux est l'antiseptique le plus innocent pour l'homme". Il s'en suivit une large utilisation du SO2 dans les moûts, les raisins et l'alimentation en général.
Depuis, d'autres études ont été effectuées. Claude Barral, dans sa thèse "Etude des contaminants et additifs du vin" en 1982, en faisait ressortir que les sulfites n'ont pas de toxicité à long terme si l'apport en thiamine (vitamine B1) est suffisant. Or les sulfites dégradent 70 % de cette dernière en une heure dans l'estomac d'après Lhuissier et l'organisme ne la stocke qu'en petites quantités. Nous voilà au cœur du problème. Les vins (sulfités) contiennent peu de vitamines B. Il serait très intéressant de rechercher si des vins vraiment sans SO2 contiennent de façon significative plus de thiamine que les autres. Ce qui pourrait expliquer que les vins sans SO2 se "digèrent" mieux que les autres…
J'ai retenu les recommandations du Pr Masquelier à propos de la consommation – à dose raisonnable – du vin :
Il ne faut pas que les calories provenant de l'alcool dépassent le tiers des calories absorbées (les calories de l'alcool ne sont pas directement utilisables et sont transformées en graisse).
Pour un travailleur de force (il y en a peu aujourd'hui) qui dépense 3.000 calories par jour, cela représente 1 litre de vin à 10 degrés (en excluant tout autre alcool). Faites la traduction en fonction de votre consommation énergétique !
L'effet anti-cancer du vin serait dû à plusieurs facteurs : la composition du vin riche en polyphénols (comme les flavonoïdes) anti-radicaux libres. Or on sait aujourd’hui le rôle déterminant des radicaux libres dans la genèse de certains cancers induits par l’altération des membranes et de l’ADN cellulaires
L'effet euphorisant entraîne l'optimisme (attention au piège !)
L'effet antiseptique sur la flore intestinale dû aux tannins.
L'effet bénéfique sur le système circulatoire serait lié à des molécules comme le resvératrol que la vigne produit en réaction à des attaques de champignons ; ces molécules empêcheraient la fixation du "mauvais" cholestérol sur la paroi des artères. Il existe de nombreuses études sur ce sujet dont celle rendue célèbre sous le nom de "french paradox".
Il faut noter les colloques Vin et Santé à l'initiative du Pr Serrou qui se tiennent à Montpellier ou Bordeaux.
Les vins rosés et blancs, ainsi que tous ceux qui ont des sucres résiduels, sont à considérer comme des vins "plaisir" à consommer avec modération.
Les rouges (sans SO2 bien sûr) sont des aliments à part entière, à consommer sans restriction, mais bien sûr comme tout aliment riche (on ne mange pas un kilo de viande ou deux douzaines d'œufs lors un repas !).
Petit-fils et fils de vignerons, je n'ai bu et apprécié le vin qu'après l’âge de 35 ans, avant j'avais comme un blocage. Je considère l'alcool de distillation comme dangereux car séparé de ce qui permet son assimilation, c'est pour cela que chaptaliser le vin pour augmenter son alcool est une hérésie indigne de la bio !
Droits du consommateur : étiquetage et transparence
Le vin fait exception en raison du groupe de pression électoral que constituent les vignerons et les grands fabricants de boissons alcoolisées. Il est légalement interdit de mentionner qu'un vin a été produit sans adjonction de SO2 ou de sucre de betterave !
La chaptalisation (inventée par Jean-Antoine Chaptal, chimiste de la fin du 18e siècle originaire d'Auvergne où les vignes mûrissent mal leurs raisins) consiste à ajouter du sucre (la plupart du temps du saccharose) pour augmenter le degré alcoolique. Chaque région et appellation a ses règles propres.
La fraude courante disparaîtra grâce à une méthode d'analyses qui permet de déterminer l'origine des sucres (reste à la mettre en œuvre).
Dans le Midi, seuls le sucre de raisin et le moût concentré sont autorisés, ce qui coûte beaucoup plus cher que le sucre de betterave ou de canne à sucre et fait l'objet d'une aide de l'Etat.
Les viticulteurs bio peuvent chaptaliser selon la réglementation générale dont ils dépendent, mais tous le font pas. Nature et Progrès impose du sucre bio (la filière sucre de raisin bio reste à créer) mais recommande de ne pas chaptaliser.
La crise phylloxérique, apparue dans le Gard dès 1864, détruisit la presque totalité du vignoble français, entraîna une pénurie de vin, encourageant ainsi la fraude et la fabrication de vin artificiel. La loi du 14 août 1889 cherchant à remédier à ces abus donna une définition légale du vin comme étant le $G "produit de la fermentation, complète ou partielle, du raisin frais ou jus de raisin frais". Il suffirait d'appliquer la législation de 1889 pour éviter beaucoup de manipulations inutiles.
Pour faire bouger les choses, il faut en parler pour que le consommateur puisse décider en toute connaissance de cause… le bouche à oreille fonctionne, quelques guides le notent…
Les viticulteurs bio restent encore timides. Le consommateur doit lire les étiquettes et contre-étiquettes car ceux qui ne mettent pas de SO2 le mentionnent en général malgré l'interdiction légale.
Pour repérer le SO2 dans un vin : au nez, sentez un vin blanc sec ou doux gagné sur un stand de foire : vous aurez une idée assez précise - au goût - c'est plus difficile à définir mais, quand on boit du vin sans SO2 et qu'on goutte un vin qui en contient, on le sent.
Précision pour rassurer le consommateur : le papier imperméable utilisé en cuisine, même s'il porte le nom de papier sulfurisé, ne présente aucune nocivité. L'adjectif sulfurisé provient du mode de traitement du papier (la cellulose) par l'acide sulfurique.
Louis Julian, vigneron bio sans SO2 dans le Gard, avec la collaboration d’Albert-Léger Courmont.
Albert-Léger Courmont, Chevalier du Mérite Agricole et chercheur, souhaite créer une filière vignerons-consommateurs de vin zéro SO2. Votre contribution sera la bienvenue.
Albert-Léger Courmont, 46700 Montcabrier, tél. : 05.65.30.80.03.
Témoignage de Louis Julian, vigneron bio du Gard
PRODUIRE DU VIN SANS ANHYDRIDE SULFUREUX (SO2) POURQUOI ? COMMENT ?
Produire du vin biologique sans SO2, c’est possible. Louis Julian nous raconte ici ses premiers tâtonnements et sa méthode.
Selon la loi du 4 août 1889, reprise par l'article 1 du règlement d'administration publique du 19 août 1921, (textes insérés dans l'article 1 du Code du vin) le vin se définit légalement comme "le produit exclusif de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais". $M La connaissance du vin et les notions d'hygiène n'étaient pas en 1921 celles de 2002. Aussi la loi du 4 août 1921 article 4 du Code du vin a permis un certain nombre de manipulations pour "conserver" le vin, dont l'emploi de l’anhydride sulfureux (SO2). Les vignerons bio n'ont-ils pas la responsabilité d'ouvrir la voie en vinification comme ils l'ont fait en viticulture vers la production d'un vin réellement naturel ?
Le SO2 (ou E220) n'est pas un produit anodin, c'est un allergisant puissant et bon nombre de consommateurs de vins sulfités l'éprouvent (même si un autre produit, comme l'histamine, peut être mis en cause dans certaines allergies au vin blanc). L'OMS (Organisation mondiale de la santé) et l'OIV (Office international de la vigne et du vin) diminuent régulièrement les doses autorisées du SO2 dans le vin sachant qu'un citoyen ordinaire peut rarement dépasser les doses légales autorisées, le SO2 étant utilisé comme conservateur dans l'industrie alimentaire (petit rappel : la DJA (dose journalière acceptable), pour le SO2, est de 0,7 mg / kg / jour, soit 42 mg par jour ou l'équivalent de 2 verres de vin normalement sulfité pour une personne de 60 kg). Ce que je reproche au SO2 c'est justement d'être un conservateur, donc d'empêcher la décomposition du vin dans l'organisme par blocage du travail des bactéries du système digestif. De plus, le SO2 inhibe les vitamines du groupe B essentielles pour que le foie métabolise les sucres et les dérivés de l'alcool.
Chez les personnes les plus carencées en vitamines B, l'alcool et ses dérivés non métabolisés circulent dans la sang plus longtemps, irritant et détruisant un certain nombre de cellules nerveuses… d'où fatigue et maux de tête. Rappel : le SO2 est interdit dans les aliments riches en thiamine (vitamine B1). Certains disent que le soufre est un constituant indispensable chez les végétaux et les animaux, donc qu'il n'est pas mauvais dans le vin, soit… mais $G le SO2 n'est pas du soufre, $M pas plus que le H2S, pas plus que le CO2 n'est du carbone ou l'H2O de l'oxygène. Que ceux qui prétendent cela mettent du soufre pur au lieu de SO2 dans leur vin !
J'ai très souvent constaté que pour le consommateur de vin bio il allait de soi que celui-ci était un produit naturel sans additifs - la surprise risque d'être grande lorsque le législateur, en toute logique, obligera à noter sur l'étiquette tous les ingrédients rajoutés au vin (colles, sucres, conservateur…).
On dit aussi souvent que les Romains utilisaient le SO2. Ils avaient sans doute découvert son effet antiseptique de façon générale, mais son utilisation pour la conservation du vin est plus incertaine. Les nombreuses recettes de vin aromatisé, résiné ou avec des degrés alcooliques élevés attestent que c'est plutôt cela qui était utilisé pour la conservation. Le fait que les Romains aient planté de la vigne en Gaule indique aussi que le vin italien ne devait pas bien se transporter et que pour fournir les légions il fallait produire sur place. Et puis faire référence au passé n'est pas toujours un bon exemple (se souvenir des vernis ou du plomb sur la poterie romaine).
J'ai fait faire des tests de cristallisation sensible sur un vin sans SO2 et sur le même vin auquel j'ai ajouté un peu de SO2. Les premiers résultats montrent des perturbations au bout d'un certain temps dans l'image du vin sulfité. Prétendre que l'on ne peut pas faire du vin sans SO2 est faux, de nombreux vignerons bio ou non le font avec succès.
Je ne sais pas trop comment procèdent les autres (il faudrait créer une amicale pour mettre en commun nos expériences). Voici la mienne : de 1987 à 1997, sans l'appui d'un œnologue, j'ai élaboré du vin sans SO2 tout simplement en ramassant les raisins à la main quand je pensais qu'ils étaient mûrs (au densimètre). La mise en cuve de 250 hl se faisait à l'aide d'un conquet-réception (vis sans fin et pompe à ogive) sans égrappage ni foulage. J'ai produit et vendu pendant cette période environ 11 000 hl. C'était un vin rustique naturel avec ses amateurs et ses détracteurs - bien conscient que je n'évoluerais pas rapidement sur le plan de la qualité gustative tout seul, j'ai (hasard ?) rencontré un œnologue qui a bien voulu m'accompagner dans ma démarche de vin naturel - j'avais beaucoup à faire : encépagement, palissage, hygiène extérieure de la cave, matériel, etc.
Au bout de cinq ans il y a eu du changement - tout n'est pas simple - l'hygiène de la cave et du matériel doit être parfaite pendant les vendanges (à la main), les seaux sont lavés midi et soir, les bennes à chaque voyage, les pompes et tuyaux après chaque usage sans attendre... J'inerte les cuves avant remplissage avec le CO2 d'une bouteille pour la première cuve et d'une cuve à l'autre ensuite.
En cas d'année à pourriture, j'abaisse le pH des premiers jus qui entrent dans la cuve (environ 300 litres sur 250 hl) à l'aide d'un peu d'acide tartrique (issu des sous-produits de la vigne) afin de contrarier les bactéries et j'ajoute des levures sélectionnées non OGM pour créer une dynamique levurienne dès le départ en fermentation (cela évite les mauvaises surprises). Les acidités volatiles après fermentation malolactique varient de 0,08 à 0,25, ensuite, en été, elles évoluent parfois jusqu'à 0,60 au maximum et en moyenne à 0,40 à cause de la chaleur. Les œnologues recommandent de rajouter du SO2 tout au long de la conservation du vin pour empêcher que l’acidité volatile du vin n’arrive au seuil de 0,90 g par litre d’acide acétique, seuil à partir duquel le vin n’est plus commercialisable car trop proche du vinaigre. Mon premier souci, c’est la présence de levures de type Bretanomyces qui peuvent donner des goûts peu agréables et des poussées de volatiles. Ces levures sont habituellement contrôlées par le SO2. En général, mes vins sont plus oxydatifs (goût rappelant le vin vieux, ou ayant une odeur de pomme ou de cidre ou, à l’extrême le vin de rancio) que les autres mais cela gêne plus les œnologues, journalistes spécialisés et jurys de concours que les consommateurs.
L'œnologie évolue tous les jours. Il n'est pas exclu de trouver des méthodes permettant d'éliminer ces points noirs exposés ici et d'offrir un vin particulièrement plaisant et authentiquement naturel.
Louis Julian, vigneron bio,
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Dernière mise à jour le : 04 mars 2006.