Au Kenya le maïs est attaqué par une pyrale asiatique (un insecte foreur) et parasité par une plante la Striga. Les dégâts peuvent aller jusqu'à la destruction de la récolte. lac Centre inter natiorna l de recherche sur la physiologie des insectes et l'écologie (Icipc), un organisme fondé par un Africain et qui, à la différence des grands centres internationaux de recherche agricole, emploie essentiellement des chercheurs africains, met au point des méthodes écologiques de lutte dites « push-pull ».
Ici, cela. consiste à cultiver en même temps que le maïs une légumineuse (Desnnoditmn). Cette culture a 4 effets. Desmodium repousse les papillons de la Pyrale qu'une grarrtinée fourragère, l'herbe à éléphant (Pennisetunt purpureum) entourant le champ de maïs, attire. Le papillon de la pyrale pond ses neufs sur les feuilles de l'herbe à éléphant.
Après les premiers stades du développement, les chenilles pénètrent dans la tige où la. plupart sont alors tuées par le mucilage de cette grauninée. Desmodium agit aussi, en quelque sorte, comme un herbicide en étouffant le développement de la Striga et comme un engrais naturel car, il fixe l'azote de l'air dans ses nodules racinaires et l'apporte au maïs qui en est friand. Enfin, Desmodium couvre et protège les sols fragiles du soleil et de la pluie.
Ce superbe travail scientifique, auquel les paysans ont été associés, leur assure des récoltes abondantes et régulières sans achat d'insecticides ou d'engrais. L'herbe à éléphant augmente les ressources fourragères et permet d'accroître le cheptel. Ainsi, le nombre de vaches laitières est-il passé, dans la zone où les paysans ont adopté cette méthode, de 4 à plus de 200. Ces animaux fournissent un fumier (matière organique) qui contribue au maintien de la vie du sol et en accroît la fertilité. Les ressources que dégage cette production supplémentaire permettent d'envoyer les enfants à l'école.
L'lcipe et son directeur ont été accusés de vouloir priver les africains des technologies « hi-tech ». Cette campagne de dénigrement a réussi : le Kenya a dit oui aux OGM. Le « hi-tech », les chimères génétiques brevetées des transnationales biocidaires, par exemple le maïs insecticide de Novartis et de Monsanto, leurs herbicides et leurs engrais, bref la modernité de l'agriculture industrielle va remplacer ces Méthodes biologiques obsolètes.
Au lieu de fréquenter l'école, les enfants épandront les pesticides. Ils contribueront ainsi à accroître le PIB. Comme le feront les empoisonnements par les pesticides (donnant lieu à des hospitalisations et achats de médicaments), les accidents, l'usure des routes, les pullulions provoquées par l'accroissement du volume des marchandises transportées.
A plus long terme, le « développement » poursuivra son cours : la fertilité du sol diminuera. Il faudra la compenser par un recours accru aux engrais avec comme corollaire le déséquilibre biologique de la plante et la diminution de sa fonction nutritive. La Pyrale et les autres ravageurs deviendront résistants aux insecticides. Il faudra en introduire de nouveaux. Les herbicides laisseront des champs impeccablement « propres », mais les insectes qui vivaient sur les adventices, ne trouvant plus leur nourriture favorite, apprendront à se nourrir des plantes cultivées. Entre-temps les adventices seront devenues résistantes aux herbicides... bref un cercle vicieux dont ne pourront jamais se débarrasser les indigènes.
Plutôt que semer le grain récolté, les paysans devront racheter, chaque année, lus sentences des chimères génétiquement brevetées et leur accompagnement chimique. En outre, pris dans le ciseau des prix agricoles en baisse (du fait des importations agricoles que les pays riches subventionnent, et que les règles de l'OMC imposent aux pays pauvres d'importer à hauteur de 5% du marché intérieur) et de l'augmentation des charges liées à l'utilisation d'intrants industriels importés, plutôt que des ressources non marchandes disponibles sur place, ces mêmes paysans iront grossir les bidonvilles.
L'Etat kenyan organisera des zones franches et subventionnera les transnationales pour qu'elles y exploitent la main-d'oeuvre. Bref, le PIB des Kenyans, les revenus de l'Etat kenyan, les échanges marchands se « développeront» cri môme temps que les profits des transnationales gonfleront. Le bien être des paysans et de la population diminuera dans de gigantesques proportions avec la cohorte des effets sociaux connus de tous (appauvrissement, éclatement de la cellule familiale, disette, banditisme, révolution, etc..)
Directeur de recherche à l'INRA
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Dernière mise à jour le : 04 mars 2006.