Une analyse rigoureuse et structurée de la construction européenne.
Si la construction de l’Europe pouvait être une bonne chose pour chaque individu ( paix et souveraineté ), les priorités économiques ne respectent pas le projet. C'est simple, l'Economie de Marché n'a qu'un seul maître l'intérêt au profit des prêteurs d'argent. En conséquence, notre " Plus jamais cela en parlant de conflit " n'est qu'une pauvre utopie impensable.
Pourquoi utopie ?
Les raisons sont évidentes : les formidables progrès technologiques évinçant l'homme du travail produisent des millions de chômeurs; qui plus est, afin de diminuer encore les prix et augmenter le profit, les industriels - ils ne font certes qu'appliquer les règles libérales - attirent un main-d'oeuvre issue de pays européens ou tiers, économiquement et socialement moins avancés. Les salaires diminuent notablement. Non seulement les offres d'emploie se raréfient mais circonstance aggravante, les techniciens et ouvriers indigènes s'indignent de tels procédés. Les sources de conflits seront innombrables et non résolvables. Les litiges prud'homaux entre sociétés françaises et étrangères sont déjà légion.
Préambule
On ne construit jamais une bâtisse sans des fondations adaptées à la hauteur de l’édifice, surtout lorsqu’on est dans une zone de séisme. On ne peut bâtir l’Europe que dans la mesure où responsables et citoyens sont conscients que chaque individu des états concernés produit peu ou prou les richesses à répartir équitablement. Pour ce faire, l’Etat et lui seul à le pouvoir et le devoir de créer la contrepartie de cette production : la monnaie. Il est donc arbitraire et illégal que les banquiers s’approprient ce droit régalien. La raison en est simple : l’Etat, le citoyen empruntent. Tous les Français et Européens en payent les intérêts ; le pays s ‘appauvrit. Inexorablement ils deviennent esclaves de prestidigitateurs qui un jour ou l’autre, pour d’évidentes raisons, vendront – dans le cas qui nous intéresse – la France à l’étranger......si ce n’est déjà fait.
1 - La technocratie européenne peut-elle servir le citoyen européen ?
Il semble, aux dires du Dr Raoul Marc Jennar, chercheur à Oxfam-Solidarité (Belgique) que la Commission européenne, composée de fonctionnaires représentant les Etats membres, soit l’instrument le moins responsable politiquement et l’outil le plus puissant au service d’un modèle, l’individualisme, et d’une catégorie, les intérêts privés.
Juridiquement la Commission européenne n’est pas le gouvernement de l’Union. Pourtant de compromis en compromis, les gouvernements nationaux se sont déchargés sur cette institution fort peu contrôlée, de missions qui engagent de manière décisive la vie des peuples d’Europe. L’exemple le plus flagrant fut l’autorisation donnée à Novartis de commercialiser du maïs génétiquement modifié en dépit de l’hostilité d’une majorité d’Etats membres. Ce qui est bon pour les dividendes d’une entreprise privée est, du point de vue de la Commission Européenne bon pour la santé des consommateurs européens.
Le Conseil des ministres de la Communauté a bien, juridiquement le pouvoir décisif, mais en fait la Commission profite des divisions, des incohérences et des lâchetés des gouvernements. Quant au Conseil de l’Europe, il est soumis au pouvoir d’initiative de la Commission et s’en remet le plus souvent à elle. Le diplomate belge Philippe de Schoutheete, ajoute que ce même Conseil adopte des documents qu’il n’a même pas lus. Il faut trouver autre chose.
1 -1 Pouvoir exécutif et Pouvoir Législatif
En dépit d’un rôle fortement accru, le Parlement européen (peu représentatif, moins de 50% des citoyens aux dernières élections) voit sa fonction législative limitée, vu le monopole d’initiative dont jouit la Commission. La Commission, comme le Conseil dispose du pouvoir de modifier les textes adoptés par le Parlement Européen en première lecture. La procédure de conciliation qui s’ensuit, permet au Parlement de rejeter une disposition qu’il conteste, mais il n’a pas la possibilité de faire prévaloir son choix. Compétence budgétaire, certes ! mais aucune responsabilité en matière de recettes. Le Parlement européen n’a pas le pouvoir de former des recours directs contre les décisions du Conseil des ministres et de la Commission, sauf lorsque ces recours ont trait au respect de ses prérogatives.
Personne n’ignore que 3.000 « lobbymen » travaillent à Bruxelles et portent leurs efforts à vanter ou inspirer des textes qui avantagent leurs Directions.
Les parlements nationaux, pourtant détenteurs de la souveraineté nationale n’ont pas la possibilité d’intervenir sur les textes européens. Les traités les ont dépouillés de toute capacité à s’opposer à ces textes. Attribution de compétences aux autorités de Bruxelles et de Luxembourg qui les enlèvent à des régimes nationaux, pour les attribuer à un système international où la décision et contrôle démocratiques sont faibles.
Les documents officiels proclament que la Commission européenne est une « institution dont la vocation est la représentation totalement impartiale de l’intérêt général ». Si ces documents pouvaient avoir force de loi après confrontation avec les pratiques de la Commission, les divers constats établis permettraient de justifier la suppression de cette dernière.
1 - 2 Pouvoir exécutif.- Décisions uniformisatrices - Décisions incohérentes
La Commission européenne, véritable bras armé des intérêts privés n’a que faire des attentes citoyennes et des diversités territoriales. La directive 93/94 du 14 juin 1993 sur l’hygiène des denrées alimentaires impose des normes de sécurité drastiques au niveau international (évidence) mais condamne les petits producteurs à disparaître, faute de pouvoir réaliser les investissements nécessaires (inutiles) ; la fraîcheur des produits ne demandent pas des règles aussi strictes (le passé le prouve).
L’article 177 du traité de l’Union européenne promet de protéger le développement économique et social des pays en développement. Or, la Commission, à l’instigation de transnationales, a fait adopter par le Conseil, puis par le Parlement une directive autorisant à remplacer 5% du cacao entrant dans la fabrication du chocolat - du type Nestlé - permettant de réaliser de substantiels bénéfices à ces mêmes trusts. Les perdants sont naturellement les consommateurs qui préfèrent l’authentique à l’ersatz, mais surtout 11 millions d’Africains qui tirent leur subsistance de la production de cacao.
Le second exemple à trait au brevetage du vivant végétal, animal et humain. En vertu de cette directive, inspirée par les mêmes profiteurs, on privatise au profit des transnationales agro-pharmaco-alimentaires, des plantes cultivées et améliorées naturellement depuis des siècles par les populations paysannes des pays du Sud. Cette directive constitue la plus violente atteinte à la dignité humaine depuis les lois raciales du régime Hitlérien, violant au moins huit textes (traités, pactes, conventions, déclarations) internationaux.
Où est la cohérence avec le discours sur une Europe humaniste ? Où est la cohérence avec l’intention annoncée de respecter la souveraineté alimentaire des pays du Sud ? Dépenser des centaines de millions d’Euros à lutter contre la faim, si l’une des causes de cette faim se trouve dans les politiques de la Direction Générale en charge du commerce !
2 - Structures et mécanismes non démocratiques
2 - 1 Le partenariat transatlantique
Un document adopté le 18 novembre 1998 par le Conseil des Ministres relatif au « partenariat économique transatlantique » confie à la Commission le soin de supprimer tous les obstacles aux échanges de marchandises, des services, des marchés publics et des droits de propriété intellectuelle, sécurité alimentaire, de la législation phytosanitaire et vétérinaire, des biotechnologies, de l’environnement, du travail et du commerce électronique. Ces accords s’appliquent indépendamment de toute structure constitutionnelle à tous les niveaux de pouvoir. L’Union européenne va donc contribuer à ce que les Etats d’Europe suivent le modèle américain.
2 - 2 L’UNICE
Créée en 1958, l’UNICE (Union of Industrial and Employers’ Confederation of Europe) regroupe aujourd’hui 39 confédérations d’industriels et d’employeurs de 31 pays d’Europe. Sa mission prioritaire est d’améliorer la compétitivité de toutes les entreprises en Europe et de veiller à ce que leurs intérêts soient entendus, compris et pris en compte. C’est l’acteur le plus décisif qui détermine les choix de la Commission européenne. Il se dissimule sous l’appellation ONG. Il n’a rien de philanthropique et le profit n’est pas le cadet de ses soucis.
2 - 3 Le TABD
Le Transatlantic Business Dialogue (TABD) regroupe les PDG des 150 plus importantes entreprises européennes et américaines. Cette organisation a établi des liens étroits avec la Commission européenne et les diverses directions générales responsables du Commerce et de l’Industrie.
2 - 4 Europabio
Dans le domaine des biotechnologies, à l’avant-garde de la promotion des substances transgéniques, Europabio regroupe 600 entreprises. C’est à cette structure que l’on doit la proposition récente faite par la Commission de mettre fin au moratoire sur le OGM.
2 - 5 Le Comité 133
Ces personnes ne sont pas responsables devant les citoyens – fortement liées à des groupes de pression qui n’ont aucun statut juridique, ces derniers bénéficiant d’accès quasi institutionnel à la prise de décision – sont en mesure de favoriser des choix qui engagent et affectent l’ensemble de la collectivité européenne. Cette étroite complicité entre la Commission et les entreprises privées permet d’imposer aux Etats des politiques pré décidées. Le Comité 133 est composé de haut fonctionnaires nationaux et des représentants de la Commission politiquement irresponsables. Ils prennent des décisions à partir de propositions formulées en concertation avec le secteur privé, soumises pour accord au Conseil des Ministres.
Les textes qui lient l’Union européenne à l’OMC à Seattle ont été préparés en étroite concertation avec l’UNICE et le TABD sans que ces contributions dans 95% des cas n’aient été soumises au Parlement européen.
Alors que, juridiquement, le Comité 133 ne détient qu’un pouvoir d’avis, c’est en fait un de ces lieux d’arbitrage peu connus des citoyens, où se négocient l’avenir des Européens au quotidien. C’est le lieu le plus opaque dans l’ensemble institutionnel européen. Les négociateurs ne sont responsables que devant leur hiérarchie administrative. La Commission fournit au monde des affaires un accès direct aux discussions. Les documents ne sont pas publics et les débats encore moins. L’Europe est l’affaire des diplomates et surtout des experts (juges et partis) et nullement celle des citoyens soumis aux décisions.
La construction européenne s’apparente à la reconstruction d’un arbitraire qu’on s’était employé à démanteler depuis deux siècles.
2 - 6 Une gestion néolibérale des politiques
Il apparaît donc à l’analyse que l’on organise une compétition où ne resteront que les mieux armés. Lorsqu’il s’agit de l’emploi et du social les dispositions répondent plus aux attentes des entreprises qu’aux besoins des travailleurs. Le chapitre Emploi du Traité CE et en particulier ses articles 125 et 126 fournit un exemple édifiant : marchés du travail aptes à réagir rapidement aux évolutions de l’économie, tout en restant muets sur les salaires et les conditions de travail.
En matière d’environnement la politique communautaire est lacunaire, en opposition d’ailleurs avec d’autres politiques qui n’accordent qu’un intérêt accessoire à la problématique environnementale.
La nature du projet européen fondé sur l’article 95, subordonne les politiques en matière d’emploi, d’action sociale et d’environnement à la création d’un marché intérieur unique libéré de toutes les entraves à la libre concurrence.
La doctrine appliquée par la Commission, c’est le chacun pour soi et le laisser faire, les règles servant à briser toutes les entraves à la réalisation d’un tel projet.
Ecouter Pascal Lamy, ancien banquier enlève le moindre doute à ce sujet.
« C’est vraiment agréable de se retrouver dans le milieu des affaires(...) Vous voulez que nous allions de l’avant et que nous changions les politiques. Nous sommes décidés à le faire. (...) L’OMC doit élargir ses attributions pour englober des questions de société telles que l’environnement, la culture, la santé et la nourriture, qui, à l’instar de la concurrence et de l’investissement, ne peuvent plus être tenus à l’écart du commerce. (...) Nous avons besoin du soutien du monde des affaires au système de l’OMC et pour davantage de libéralisation. Nous ne devons pas laisser les opposants à l’OMC prendre le dessus et gagner le débat public ».
3 - Une Ogresse à mettre au pli
En 1792, Condorcet à l’Assemblée Nationale déclarait : « Chaque nation à seule le pouvoir de se donner des lois et le droit inaliénable de les changer ». En 1945, le paragraphe 2 de l’article 1 de Charte des Nations Unies lui conféra un caractère universel. En 1976, entrait en vigueur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui consacrait en son article premier, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses et ressources naturelles.
Sous la pression des sociétés transnationales ces deux principes sont remis en cause, à la fois par la construction européenne et par des institutions internationales comme l’OMC.
Face au dépassement des Etats par des institutions qui ne sont soumises qu’au contrôle occulte des puissances privées, ce qui est en cause par dessus tout, c’est le processus qui dépossède, partout, les citoyens de leurs droits souverains et non pas l’opposition entre l’intérêt communautaire et intérêt national. L’intérêt communautaire est devenu le prétexte mis en avant pour imposer en Europe des politiques néolibérales contraires à l’intérêt des Européens.
Il y a un fossé extrême entre le mandat conféré par l’électeur et l’Etat et les institutions auxquelles ces Etats confient une partie grandissante de leurs prérogatives.
Quand donc les choix de la Commission européenne sont-ils soumis au débat démocratique ? Quelle instance démocratique a débattu des options mises en œuvre au titre du partenariat transatlantique ?
On pourrait multiplier les exemples à l’infini, tant sont nombreux les choix, toujours orienté dans le même sens, opérés par une institution politiquement irresponsable.
La Commission européenne est dans l’espace européen - comme l’OMC - dans la sphère internationale l’instrument par lequel sont imposées des législations et des réglementations qui ne seraient jamais acceptées si elles étaient soumises à un contrôle démocratique, tant elles méprises l’intérêt général.
Il s’agit là, pour ceux qui relaient les intérêts privés, de dépasser les Etats pour offrir à ces intérêts non soumis aux droits fondamentaux des peuples et des citoyens. Il s’agit d’un défi comparable à celui auquel furent confrontés ceux qui combattirent l’arbitraire sous toutes ces formes.
Si l’Union européenne représente une communauté d’idéaux et de valeurs, il faut le concrétiser en remplaçant la Commission par un organe exécutif aux attributions très strictement et très clairement limitées, responsables à la fois devant le Parlement européen et les Parlements nationaux dotés à cet effet de pouvoirs et contrôles spécifiques.
Bibliographie : Dr Raoul Marc Jennar - La Commission Européenne : une bastille à renverser. Trimestriel l’Ecologiste N°2
« Europe inc. Liaisons dangereuses entre les institutions et milieux d’affaires européens ». Agone Editeur.
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Dernière mise à jour le : 21 janvier 2008