II. LA PROPOSITION DE LOI N° 711( 24 Juin 1960 )
N-B . Ces archives ont fait l'objet de longues recherches dans les fichiers de la bibliothèque du Ministère des finances. A la bibliothèque de l'Assemblée Nationale tous les projets de lois déposés sur le Bureau de l'Assemblée sont répertoriés dans une série de volumes reliés avec mention précise de leur texte, de leur objet et de la suite qui leur a été donnée. Seul le texte du projet numéro 711, résumé en six lignes, n'est suivi ni de la mention de la commission qui a été chargée de son étude, nu de ses conclusions. C'est par hasard qu'ont été découverts l'article de la Revue des Contributions Indirectes d'octobre 1961 et de l' Avis et Rapports de la Commission de l' Economie et des Finances du Conseil Economique et Social.
Ces textes permettent d'établir que si les conditions de l'époque ne permettaient pas l'application de la Taxe Automatique sur les Mouvements de Fonds, tout aujourd'hui la rend indispensable.
DOCUMENTS DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
Annexes aux Procès-Verbaux des Séances
(Projets et Propositions de Loi, Exposés des motifs et rapports)
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE ‑1958 - 1re LEGISLATURE
Deuxième Session Ordinaire de 1959-1960 : Annexes n°711 à 715
(2e session ordinaire de 1959 - 1960 - Séance du 24 juin 1960
Proposition de Loi tendant à amorcer une réforme de fiscalité par la création d'impôts non déclaratifs autorisant divers dégrèvements fiscaux, présentée par MM. Mirguet, Vidal, Dreyfus-Ducas, Dusseault, Schmittlein et les membres du Groupe de l'Union pour la nouvelle République, députés. (Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du règlement.
Mesdames, Messieurs, il est inutile d'insister encore sur les inconvénients de notre système fiscal et on peut affirmer que l' Etat parvient à réaliser ses énormes recettes budgétaires grâce à l'honnêteté de la majorité des contribuables dont on conteste à tort le civisme, car l'administration des finances n'a pas les moyens de contrôler l'application d'une monstrueuse législation fiscale.
Sans vouloir prétendre à une solution "miracle" qui n'existe pas du moment qu'il faut procurer au budget des ressources de plus en plus considérables, la proposition de loi soumise à votre examen a pour objet d'amorcer une réforme profonde de notre fiscalité. Tout en conservant un caractère social et en procurant au Trésor d'importantes ressources par un système d'imposition non déclaratif, cette réforme maintient un juste équilibre entre l'impôt direct et indirect qui, n'a que très rarement été rompu depuis la "dime" et la "gabelle".
Sachant aussi que le taux excessif des impôts est incontestablement pour certains contribuables une incitation à la fraude, nous proposons la création de recettes inédites, obtenues par des prélèvements à dose en quelque sorte "homéopathiques". Ainsi pourra être amorcée une réduction progressive de tous les impôts directs et indirects. Cette évolution souhaitable de la fiscalité, qui tend à laisser aux chefs d'entreprise, aux membres des professions libérales et aux salariés la plus grosse part du profit de leurs efforts, les encouragera à accroître leur productivité.
La réforme proposée est basée sur la création d'une ressource nouvelle au profit du Trésor par un prélèvement d'un pour mille sur les mouvements des comptes courants tenus dans les banques, aux chèques postaux et dans tous les établissements recevant des capitaux en compte courant. Cette mesure est assortie de dispositions accessoires, rendant le paiement par chèque ou virement bancaire obligatoire au-dessus d'un certain montant et garantissant le paiement par chèque sans prévision. Prélevée dans de telles conditions, cette sorte de taxe de transaction moderne, au taux de perception très faible, entraînera un accroissement du volume de la circulation monétaire scripturale. Elle présentera, en outre, l'avantage de développer l'usage du chèque et de normaliser les transactions dans certaines catégories de commerces.
Elle devrait procurer au Trésor une ressource pouvant atteindre près de 400 milliards d'anciens francs. Cette recette serait affectée à certains dégrèvements ayant pour objet d'amorcer la diminution générale d'autres taxes et de redresser certains aspects fiscaux socialement inacceptables.
C'est ainsi qu'un dégrèvement substantiel de l'ancienne surtaxe progressive est proposé, car il est injuste de taxer les revenus entièrement utilisés par les salariés pour équilibrer leur budget familial. C'est pourquoi il est nécessaire de revenir à une saine conception de cet impôt, qui ne devrait frapper que les revenus permettant la thésaurisation.
Les dégrèvements proposés comporteraient :
un remaniement du barème de la surtaxe progressive entraînant une diminution de près de 50% du rendement de cet impôt;
Une réduction des taxes indirectes sur certains produits de consommation courante, notamment ceux de l'alimentation. , dont la commercialisation est difficilement contrôlable.
Une partie de ces ressources pourrait permettre aussi d'alimenter le fonds de solidarité créé pour améliorer le sort des personnes âgées, envers qui les générations actives ont des devoirs.
Ce projet ne constitue, d'ailleurs, que l'amorce d'une refonte nécessaire de notre système fiscal. Sa simplicité technique rend son application possible dans des délais très brefs. D'autres propositions de loi, complétant le texte présent, seront ultérieurement soumises à votre examen.
Mais en adoptant d'ores et déjà la présente proposition de réforme fiscale d'initiative parlementaire, l'Assemblée Nationale aura manifesté sa volonté de conserver ses prérogatives historiques essentielles et son désir d'introduire plus de justice dans la réception des charges fiscales entre les citoyens.
C'est dans cet esprit, Mesdames et Messieurs, que nous vous demandons de bien vouloir voter la proposition suivante:
Art 1er- Il est institué, au profit du budget général une taxe de 1‰ sur les mouvements débiteurs et créditeurs des comptes ouverts au nom des personnes physiques et morales dans les banques, entreprises et établissements financiers, chez les agents de change, courtiers en valeurs mobilières, trésoriers - payeurs généraux, ou autres comptables publics, dans les établissements de crédit municipal et les caisses de crédit agricole, chez le caissier général de la caisse des dépôts et consignations, au service des chèques postaux, ainsi que dans tous les établissements agréés par le conseil national du crédit et autorisés à tenir des comptes de capitaux pour les tiers.
La taxe ne sera pas due sur les mouvements de transfert réalisés dans les divers établissements énumérés ci-dessus.
Art 2 - Le règlement par chèque barré ou par virement en banque ou à un compte courant postal ne peut être refusé quel qu'en soit le montant. Il est obligatoire pour tous les règlements supérieurs à 1.000 NF à l'exception des règlements à la charge des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou auxquelles il est interdit de se faire ouvrir en France un compte en banque ou un compte - courant postal.
Les infractions aux dispositions de l'alinéa qui précède sont punies d'une amende fiscale dont le montant est fixé à 50% des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total.
Les agents qualifiés pour constater les contraventions sont désignés par arrêté du ministre des finances et des affaires économiques.
Art.3 - Il est institué à la Banque de France un fonds de garantie destiné à couvrir le risque de paiement des chèques sans provision.
Ce paiement doit être assuré par l'établissement financier sur la caisse duquel le chèque est assigné, le fonds de garantie étant subrogé de ce fait à l'établissement en cause pour engager les poursuites judiciaires.
Art.4 - Tout chèque d'un montant supérieur à 2.000 NF ne peut être endossé qu'une seule fois, à l'ordre de l'établissement chargé de l'encaisser. Un chèque ne peut être stipulé payable au porteur.
Art.5 - Les dispositions du paragraphe b) de l'article 2 de la loi no 51-144 du 11 février 1951 ne sont pas applicables à celui qui a contrefait ou falsifié le chèque ou à celui qui, en connaissance de cause, a accepté de recevoir un chèque contrefait ou falsifié, ainsi qu'à celui qui, de mauvaise foi, a, soit émis un chèque sans provision préalable et disponible, ou avec une provision inférieure au montant du chèque, soit retiré après l'émission tout ou partie de sa provision, soit fait défense au tiré de payer.
Art.6 - Le barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques fixé par l'article 13 de la loi no 59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements fiscaux est modifié comme suit :
5% à la fraction de revenu qui n'excède pas 7.500 NF
10% à la fraction de revenu comprise entre 7.500 et 10.000 NF.
15% à la fraction de revenu comprise entre 10.000 et 15.000 NF.
20% à la fraction de revenu comprise entre 15.000 et 20.000 NF .
25% à la fraction de revenu comprise entre 20.000 et 30.000 NF.
35% à la fraction de revenu comprise entre 30.000 et 50.000 NF.
45% à la fraction de revenu comprise entre 50.000 et 100.000 NF.
55% à la fraction de revenu comprise entre100.000 et 150.000 NF.
60% à la fraction de revenu supérieure à 150.000 NF.
Art.7 - La différence entre le produit de la taxe prévue à l'article premier de la présente loi et la diminution de recettes résultant de l'application des articles qui précèdent sera utilisée à due concurrence à la réduction de taux de la taxe à la valeur ajoutée, des taxes sur les prestations de service ou des taxes uniques.
Art.8 - Les dispositions des articles premier à 7 qui précèdent auront effet du 1er janvier 1961 et des décrets en fixeront les conditions d'application.
Toutes dispositions contraires sont abrogées à compter de la même date.
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Dernière mise à jour le : 04 mars 2006.