AVIS ET RAPPORTS DU CONSEIL
Objet de la proposition de loi
La disposition fondamentale du texte est l'institution au profit du budget général d'une taxe de 1‰ sur les mouvements débiteurs et créditeurs des comptes ouverts au nom des personnes physiques et morales dans les banques, entreprises et établissements financiers, chez les agents de change, courtiers en valeurs mobilières, trésoriers-payeurs généraux, ou autres comptables publics, dans les établissements de crédit municipal et les caisses de crédit agricole, chez le caissier général de la caisse des dépôts et consignations, au service des chèques postaux, dans les caisses d'épargne, chez les notaires et tous les correspondants de la Banque de France, ainsi que dans tous les établissements agréés par le Conseil national du crédit et autorisés à tenir des comptes pour des tiers.
Pour que la mesure soit applicable et pleinement efficace, le texte prévoit un certain nombre de dispositions:
obligation du paiement par chèque barré ou par virement en banque ou aux chèques postaux de toute somme supérieure à 1.000NF;
- interdiction d'endosser à un tiers tout chèque d'un montant supérieur à 1.000 NF;
- interdiction de libeller un chèque payable au porteur (devant les difficultés internationales que soulèveraient ces deux dernières mesures, les auteurs ont par la suite simplement envisagé une taxe plus élevée :1% pour les chèques ayant plusieurs endos et 10% pour les chèques au porteur. Cette taxation plus forte devant amener une disparition ou une très large réduction de ces deux formes de règlement);
- institution à la Banque de France d'un fonds de garantie destiné à couvrir le risque de paiement par chèque sans provision.
La création de cet impôt, considéré par ses auteurs comme facilement absorbable, car "léger et non déclaratif ", devrait procurer au Trésor 4 milliards de nouveaux francs de ressources nouvelles qui permettraient de consentir en contrepartie des dégrèvements ayant pour objet d'amorcer une diminution des impôts ou taxes qui leur paraissent les plus socialement inacceptables. La proposition de loi fait état de deux dégrèvements :
- réduction de prix de 50% de la surtaxe progressive;
- réduction des taxes indirectes sur les produite de consommation courante, notamment les produits alimentaires.
Les auteurs font valoir qu'au cours des dix dernières années, tandis que la monnaie se dépréciait, les barèmes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, notamment ceux de la surtaxe progressive, et l'abattement à la base restaient pratiquement fixes. Il en est résulté que l'impôt sur le revenu est devenu un des éléments les plus importants des charges fiscales des contribuables.
Les recettes de la surtaxe progressive passaient de 91 milliards de francs en 1951 à 624 milliards d'anciens francs en 1960, soit un coefficient d'augmentation de 6,8 alors que les recettes de la taxe proportionnelle passaient dans le même temps de 122 à 304, coefficient 2,5, celles de l'impôt sur les sociétés de 220 à 592, coefficient 2,7, et celles du versement forfaitaire sur les salaires de 143 à 450, coefficient 3,1.
Pendant la même période, le revenu national net était de 9,270 milliards en 1951 et de 21,410 milliards d'anciens francs en 1960, soit un coefficient d'augmentation de 2,3.
Enfin, l'augmentation du nombre des assujettis était beaucoup trop brutale et passait de 2.400.000, soit 20% des ménages, à 5.900.000, soit 45% des ménages.
Le rapport de la commission d'étude fiscale conteste les chiffres contenus dans l'exposé des motifs de la proposition de loi et repris par MM. Dreyfous - Ducas et Mirguet devant la section. Dans un souci d'objectivité, nous donnons un tableau des produits de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 1951 à 1959 (voir tableau ci - après). Les auteurs et la commission ont été cependant d'accord pour reconnaître l'accroissement excessif de la charge de l'impôt sur le revenu et pour admettre la nécessité de mettre un frein à ce que l'on appelle le "double dérapage" de la surtaxe progressive quant à son montant et quant au nombre d'assujettis.
Produit de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Exercices au cours desquels les rôles ont été émis
(en millions d'anciens francs)
(en millions d'anciens francs)
Sources: Statistiques et études financières N°144
L'impôt sur le revenu qui aurait dû frapper essentiellement les hauts salaires, ou le sursalaire, est parvenu à atteindre, au cours des dernières années, les salaires moyens. On aurait pu se réjouir d'une extension qui eût marqué une amélioration du niveau de vie des salariés, mais à la vérité ce n'était absolument pas le cas et cette extension résultait bien plus d'une perte de substance de la monnaie.
Les auteurs du texte, ayant fait cette constatation, ont voulu amorcer une détente sur le barème de l'impôt sur le revenu. L'article 40 de la constitution interdisant au Parlement de diminuer les ressources budgétaires, des députés ont cherché un moyen d'alléger la surtaxe en créant des ressources de compensation.
Il faut dans ce domaine, qui sera probablement sensible à beaucoup, reconnaître que le Gouvernement n'a pas été inattentif à ce "dérapage" de la surtaxe progressive. Avec la loi du 28 décembre 1959 qui avait pour objet précisément d'amorcer une détente, le Gouvernement s'est engagé dans la voie d'un aménagement du barème de l'impôt su le revenu des personnes physiques.
La modeste réforme fiscale accomplie il y a deux ans a fait baisser de près de 400 000 le nombre des assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Cette simple constatation montre à quel point la fiscalité sur le revenu est sensible, notamment dans les niveaux les plus bas.
La proposition de loi qui nous est soumise propose pratiquement d'alléger la surtaxe progressive de près de 50% en affectant à cet allégement une somme de 250 à 300 milliards.
La majorité de la section des finances, du crédit et de la fiscalité, tenant compte notamment de l'accroissement des impôts sur le revenu et de l'augmentation considérable du nombre des assujettis, a su gré aux auteurs de la proposition de loi d'avoir souligné, une fois de plus, combien il était opportun de parvenir à un poids plus raisonnable de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Toutefois, quelques membres de la section ont objecté qu'à leurs yeux l'impôt direct leur paraissait plus équitable et qu'ils n'étaient pas favorables à l'allégement d'un impôt direct, même très lourd, par un impôt indirect plus aveugle et partant plus injuste.
Après avoir mentionné ces deux observations, le rapport de la section s'en tiendra purement et simplement à l'appréciation objective de la nouvelle taxe.
Les auteurs de la proposition de loi pensent que le rendement de la taxe permettrait d'aller au delà de cet allégement de la surtaxe progressive. Le reliquat pourrait servir à réduire les charges qui pèsent sur les produits de consommation courante notamment les produits alimentaires. M. Mirguet avait évoqué devant la section la possibilité de réduire ou de supprimer la taxe unique de 62 francs par kilo de viande.
Il convient d'ajouter pour être complet que les auteurs ont été très sensibles aux objections faites par la commission d'étude fiscale aux travaux de laquelle ils participaient. Dans le souci de restreindre ou d'éviter les critiques, ils ont apporté des modifications au texte initial dans un amendement présenté au projet de loi portant réforme des taxes sur le chiffre d'affaires (voir en annexe le texte de l'amendement).
Sur trois points, en particulier, l'amendement complète le texte de la proposition :
Il élargit le champ d'application en prévoyant la taxation des opérations faites par les caisses d'épargne ainsi que par l'intermédiaire des notaires et des correspondants de la Banque de France;
Il précise que ne seront pas assujettis à la taxe les opérations de transfert entre les établissements de crédit, les reports de crédit et toutes les opérations provisoires ;
Il ne suggère plus la suppression des endos et du chèque au porteur, en raison des complications internationales de telles mesures, mais il élève le taux de la taxe sur ces deux opérations afin d'en restreindre au maximum la portée.
Il faut ajouter que MM. Dreyfous-Ducas et Mirguet qui défendent avec beaucoup de brio et d'autorité leur projet, n'ont pas caché à la section leur souci de recevoir le maximum d'avis et de critiques afin d'en perfectionner encore la teneur.
Il était sans doute opportun de présenter avec le maximum d'objectivité leur point de vue avant d'examiner plus à fond le mécanisme de la taxe et d'en tirer une conclusion.
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Dernière mise à jour le : 04 mars 2006.